mardi 22 juillet 2008

Réseaux sociaux : quelles tendances pour les années à venir ?


Les chiffres publiées par les analystes en Juin 2008 (voir mon billet à ce sujet), font état d'une forte croissance mondiale de l'audience des réseaux sociaux, qu'ils s'agisse de réseaux personnels ou professionnels.
Il est donc légitime de se demander quelles vont être les évolutions des réseaux sociaux dans les années à venir, à la fois en termes de territoires d'influence, de source de revenus, de rentabilité et de publics ciblés.

Dans ce billet je vais vous présenter les principales tendances mises en avant par les experts du secteur et les mettre en perspective pour déceler les possibles évolutions futures.

LA TERRITORIALITE DES RÉSEAUX SOCIAUX



Le graphique ci-dessus montre clairement qu'aucun réseau social n'a une portée réellement mondiale. Même si MySpace et Facebook constituent les plus grandes communautés sur Internet, ils restent "régionaux" (Le Monde, 23.01.08), avec près de la moitié des membres en provenance des Etats-Unis et majoritairement anglophones. Par ailleurs, beaucoup de réseaux uniquement régionaux se développent. Les clones de Facebook, StudiVZ en Allemagne et Vkontakte en Russie, ont beaucoup plus de succès dans leurs pays respectifs que le site américain lui-même. Par ailleurs, des sites quasiment inconnus en France fédèrent des audiences considérables dans d'autres pays. Il suffit de citer l'exemple de Hi5 qui compte 25 millions d'utilisateurs en Amérique du Sud et qui a gagné des parts de marché importantes également en Thaïlande, Roumanie et Portugal. De même, l'impact d'Orkut, réseau social de Google, est très régionalisé : extrêmement développé en Amérique du Sud et en Inde, il caracole en bas des listings en Europe Occidentale. En France le réseau Skyrock rafle à lui tout seul 72% de l'audience totale des réseaux sociaux en ligne et héberge presque 14 millions de blogs! Il n'a aucune visibilité en dehors de l'Europe.
Le corollaire de ces constats est que les sites de réseaux sociaux pourront aspirer tout au plus à une présence continentale, mais auront difficilement un retentissement mondial. Cette tendance est ultérieurement renforcée par l'émergence de sites de niche ciblant des marchés éminemment locaux.

LES SOURCES DE REVENUS DES RÉSEAUX SOCIAUX
Dans un contexte internet où l'économie du gratuit prédomine (vous pouvez lire le livre "Gratuit!" à ce sujet), quels sont les sources de rentabilité pour les réseaux sociaux?

Fred Stutzman dans son blog Unit Structures identifie 5 sources prioritaires de revenus:
  • Publicité: génère actuellement des revenus insatisfaisants pour la majorité des réseaux sociaux, à l'exception de ceux qui sont capables de cibler très précisément leurs publics (réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn ou micro-cibles, comme Dogster). En chiffres, le CA publicitaire des réseaux sociaux aux US ($1.4 milliards en 2008) est 18 fois inférieur au CA publicitaire global sur internet ($25.9 milliards en 2008), ce qui dénote finalement un faible engouement des publicitaires pour le média "réseaux sociaux", et ce nonobstant la valorisation boursière extrêmement flatteuse de certains sites (pensons par exemple à celle de Facebook, qui a atteint les 15 milliards de dollars). Pour expliquer le faible succès de la publicité sur les réseaux sociaux, Stutzman avance l'hypothèse que l'internaute ne regarde une publicité que s'il s'ennuie sur la page qu'il est en train de lire. Or avec les réseaux sociaux on ne s'ennuie pas! Il y a tellement de choses à faire pour interagir avec ses contacts qu'il n'y a pas de raisons de regarder les publicités, au moins qu'elles n'adressent un besoin très spécifique des utilisateurs du réseau. Souvent, d'ailleurs, des campagnes de marketing viral, orchestrées par les marques dans des forums de consommateurs, ont été bien plus efficaces que des campagnes internet traditionnelles!
  • Abonnements: source de revenus récurrents (et donc relativement sûrs et stables) pour les réseaux qui l'adoptent, le modèle économique basé sur les abonnements ne se justifie cependant que pour les sites qui apportent une importante valeur perçue à leurs membres (réseaux de prestige, sites d'information spécifique). Aujourd'hui peu de réseaux sociaux arrivent à survivre uniquement grâce aux abonnements : parmi les exceptions, Match, numéro 1 mondial de la rencontre en ligne, qui capitalise sur la qualité et la sécurisation des profils actifs sur le site en abolissant toute forme de publicité. Le plus souvent les sites mélangent des formules d'abonnement premium, garantissant des services uniques et/ou prioritaires aux abonnés, avec des paiements à l'acte et des revenus générés par la publicité.
  • Micropaiements: cette formule consiste à faire payer à l'utilisateur de toutes petites sommes pour acheter des services additionnels qui améliorent son expérience du site. Le coût marginal de ces services est tellement bas qu'il est presque imperceptible pour l'internaute, mais -sur un grand nombre de transactions- il peut générer des sommes importantes. Un exemple pertinent est celui du site de la Star Ac' World qui a su drainer 90.000 utilisateurs effectuant chacun une dépense moyenne de 9€ pour l'achat de mobilier et objets virtuels. Un autre exemple réussi de cette stratégie est certainement le site The Million Dollar Homepage, où chaque pixel de la page internet a été vendu à des annonceurs pour 1$, jusqu'à générer 1 million de dollars de revenus (pour 1 million de pixels vendus)!
  • Partenariats : des sociétés peuvent décider de faire levier sur l'image de certains réseaux sociaux pour mieux atteindre leur public. Par exemple iTunes a développé un partenariat avec Facebook le public duquel correspond parfaitement à son cœur de cible. La limite des partenariats provient de leur approche "exclusive", qui élimine de facto la présence de sites concurrents sur un même réseau, en limitant par la même occasion les sources de revenu. Il est néanmoins certain qu'un partenariat bien ciblé peut représenter à lui tout seul une source de revenu tout à fait honorable.
  • L'affiliation : grâce aux réseaux sociaux, il est possible de créer des groupes d'affiliation à un produit ou à une marque. Par exemple je peux déclarer que mes jeans favoris sont les Levi's et le faire savoir à toutes mes relations. Cela fédère un groupe de consommateurs autour d'un produit ou d'une marque et incite des phénomènes d'émulation. Cette stratégie a deux inconvénients majeurs : d'un côté elle est valable uniquement pour les produits statutaires et donc elle ne bénéficie pas d'effets d'échelle ; de l'autre côté elle profite plutôt à la marque et rarement au site de réseau social lui-même.

QUID DE LA RENTABILITE DES RESEAUX SOCIAUX
Peu de réseaux sociaux sont réellement rentables aujourd'hui et le nombre d'inscrits ne semble pas être directement proportionnel à la rentabilité. Ainsi, le retour sur investissement de Facebook est loin d'être avéré (nonobstant ses 115 millions de visiteurs dans le monde), alors que le break-even a été atteint et dépassé chez LinkedIn et Xing, grâce à un public (de professionnels) moins nombreux mais beaucoup plus ciblé.

La difficulté de rentabilisation semble toucher plus particulièrement les réseaux généralistes, car les fonctions de contact et socialisation qu'ils proposent sont de plus en plus intégrés directement dans des sites non spécialisés qui rajoutent tout simplement une fonction "réseau social" à leur offre.

A contrario, les réseaux ciblés génèrent plus facilement des revenus, que ça soit au niveau publicitaire ou sous forme d'abonnement, car ils fédèrent autour d'eux un public homogène réuni par la même passion ou appartenant au même "groupe" socio-économique.

En synthèse, plus le réseaux social est ciblé, plus il sera facile de le rentabiliser via des formules mixtes d'abonnement et publicité (c'est typiquement le cas des réseaux sociaux professionnels) ; plus il est généraliste et plus les utilisateurs s'attendront à la gratuité des services: des modèles de rentabilité de type partenariat, affiliation ou micro-paiement seront alors les plus adaptés.

DE NOUVEAUX MODELES DE MONETISATION?
La tendance est au mélange entre virtuel et réel, que ça soit au niveau des jeux sur internet (les ARG - Alternate Reality Games) ou au niveau de la monétisation des réseaux sociaux : ainsi, le coréen Cyworld gagne sa vie avec la vente de cadeaux virtuels (300.000$/jour, soit 75% de son CA). Les transactions immobilières virtuelles sur SecondLife, quant à elles, génèrent tous les jours plusieurs dizaines de milliers de dollars de revenus pour le site. Condition sine qua non pour que ce modèle fonctionne : l'utilisateur doit assimiler la transaction virtuelle à la transaction réelle et en percevoir un réel bénéfice.

Une autre source de revenu en constant développement est la vente de services surtaxés exploitant la relation de fidélité avec le public. Déjà 20% des inscrits à Badoo, par exemple, utilisent le service d'envoi de SMS à 1€/unité.

La troisième tendance forte est la vente en ligne de produits (ou de produits dérivés) de la part de marques grand public: des sites comme MTV, Sony et Barbie totalisent chacun déjà plus de 10 millions d'abonnés au niveau mondial. Disney, quant à lui, est en train d'investir plus de 10 millions de dollars dans la création d'une dizaine d'univers virtuels pour son site. L'intérêt de la vente en ligne de produits via les sites institutionnels est, outre la génération de revenus additionnels, le renfoncement de l'image de marque et la fidélisation de nouvelles cibles de consommateurs.

La quatrième tendance est celle de la vente d'expertise (conseil spécialisé, expertise régionale ou locale) sur des sujets spécifiques et en adressant les besoins de communautés restreintes. Ce modèle est exploité tout particulièrement par les réseau sociaux de niche s'adressant à des utilisateurs bien identifiés.

EN CONCLUSION
Les réseaux sociaux ciblés se développent de plus en plus, comme le témoignent le nombre croissant d'abonnés à des sites tels que Neopets (45 millions d'abonnés) ou Dogster.

Beaucoup de ces réseaux s'adressent à un public d'enfants et d'adolescents : ainsi, la plus grande partie des communautés virtuelles cible actuellement la tranche d'age des 7-14 ans. En est témoin le succès mondial de Habbo (90 millions d'inscrits), de IMVU, site de chat en 3D (20 millions d'inscrits) ou de Weeworld (25 millions d'inscrits).

Les millions d'utilisateurs inscrits aux communautés virtuelles constituent une formidable base de données, encore peu ou mal exploitée à des fins publicitaires ciblés. A partir du moment où les métriques sauront mieux intégrer la nouvelle donne, le potentiel de croissance des revenus deviendra réellement significatif.

Le prochain défi pour les réseaux sociaux va être l'avènement de la 3D permettant des interactions encore plus riches entre participants et une symbiose accrue du monde réel et virtuel.

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